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L'homme est capable d'accroître sa matière grise


La plasticité du cerveau n'a pas encore dévoilé tout son potentiel ! Les recherches de la neuroscientifique de renom Tania Singer démontrent que l'homme est capable d’accroître sa matière grise et de stimuler les zones cérébrales déterminant la compassion, l'empathie et le bien-être. Les résultats de cette étude scientifique seront présentés et publiés officiellement en septembre 2016.


(...)


La franco-allemande Tania Singer est chercheuse en neurosciences, membre du Mind and Life Institute (USA) et directrice du Département des neurosciences sociales à l’Institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives à Leipzig.


Voyage exceptionnel dans les neurosciences de demain :


Quels sont l’objectif et l’étendue de vos recherches et expériences neuroscientifiques (ReSource Project) ?


Ce long projet vise à mieux comprendre le potentiel de l’élasticité cérébrale, dont on a un niveau de connaissance primaire, tels que les aspects de motricité (mouvements des mains par exemple), cognitifs et physiques. On sait aussi que l’entraînement de la mémoire a un impact positif sur celle-ci. Par contre, il n’était pas possible d’affirmer qu’un entrainement mental intensif puisse également modifier le comportement émotionnel et social d’une personne.


Nous avons suivi de près 300 personnes pendant un an. Ces expériences de méditation sur la compassion et l’empathie portaient sur trois modules différents :

  • le présent,

  • l’affectif,

  • le perspectif.


Les neurosciences ne savaient rien sur l’impact possible d’un entrainement mental sur le sentiment de compassion.


Concrètement, après une formation intensive de trois jours, les participants devaient consacrer 30 minutes par jour à ces exercices mentaux pendant un an ?


Avant et après chaque module, nous avons scanné leurs cerveaux afin d’observer les changements perceptibles. Nos laboratoires réalisaient ensuite des analyses presque quotidiennes sur ces personnes, tel que des prises de sang pour analyser les effets hormonaux et immunitaires, des questionnaires, des tests d’attention … Au total, nous suivions à la trace l’évolution de 90 paramètres.


Malgré la rigueur quotidienne nécessaire et la longueur de l’expérience, il est frappant de constater que très peu de participants abandonnent l’étude avant la fin de l’année.


Moins de 8% d’abandon, malgré la durée et les 90 points d’évaluations, cela nous a stupéfaits … c’est à mettre dans le Guinness Book of Records ! On tablait sur un abandon de 50 à 90%, d’autant que notre protocole s’inscrit dans une démarche sécularisée, soit en dehors de la sphère religieuse ou spirituelle. Il ne faut pas être croyant pour faire ces exercices. Cela démontre que le bénéfice de ces exercices mentaux était énorme pour nos sujets.


Il est donc possible de s’entraîner à la compassion, comme on s’entraîne à la course à pieds ?


Selon le bénéfice mental recherché, il faut choisir l’exercice approprié, à l’image de l’équitation et de la natation qui n’ont pas les mêmes effets bénéfiques sur nos muscles. Comme ceux-ci, il est possible de sculpter son cerveau et développer la compassion et l’empathie à travers la méditation. Le module "affectif" permet d’ouvrir son cœur et d’entraîner la compassion et la bienveillance pour autrui, alors que le module "présent" va permettre à quelqu’un de rediriger son attention à l’instant présent. La capacité objective d’attention est ainsi clairement renforcée.


Dans la pratique, comment médite-t-on pour augmenter son altruisme ou sa bienveillance envers les autres ?


Il y a de nombreux exercices différents, mais cela commence par "penser à une personne très bienveillante et généreuse avec vous, à quelqu’un qui vous met à l’aise et dégage de l’amour". Cette image va vous permettre d’entrer dans un état de protection et de confort, il faut doucement étendre ce cercle à des proches. Après quelques mois, vous méditez positivement à propos de personnes plus éloignées et vous souhaitez du bien à des gens moins sympathiques ou familiers à vos yeux. C’est comme un thermostat qu’il faut augmenter doucement, jusqu’à être bienveillant avec des gens qui vous font du mal.


Et le résultat est physiquement visible en scannant le cerveau ?


Cet entraînement va permettre à la personne de développer certains compartiments très spécifiques de son cerveau. Le changement cérébral est visible, même s’il est essentiel de différencier le changement structurel et fonctionnel du cerveau.


Sur le plan structurel, on va constater que la matière grise pousse dans les réseaux sollicités par la compassion. Lors d’autres expériences émotionnelles, on observera par contre une augmentation des connexions.


Il est donc possible de devenir quelqu’un de meilleur en s’entrainant ?


Oui ! Bizarrement, notre société a du mal à le comprendre et à l’imaginer alors que tout le monde est conscient qu’en s’entraînant à faire quelque chose, on s’améliore dans cette discipline. Il n’y a aucune raison que les capacités émotionnelles et comportementales ne soient pas – elles aussi – perfectibles. Comme pour le sport, ce type de méditation exige du temps, de la pratique régulière et de la maîtrise.


C’est une forme de reconnaissance scientifique de ce que les religions et cours de morale prônent, non ?


L’altruisme et la compassion, c’est en effet la base de presque toutes les religions et spiritualités : "Pensez à faire du bien aux autres", "Aimez autrui" … Et pour cause, ce sont des notions universelles pour les êtres humains et pour une société en paix. C’est aussi une reconnaissance de l’éthique non religieuse. Comment gérer une entreprise de manière morale ? Comment être un patron plus compréhensif, juste ?


Vous avez fait des examens médicaux et scientifiques sur des bouddhistes tels que Matthieu Ricard. Qu’avez-vous observé ?


Les bouddhistes ayant fait des milliers d’heures de méditations altruistes, il me semblait important de voir le fonctionnement cérébral chez un professionnel de la méditation, tout comme on comprend mieux le potentiel de plasticité motrice en observant les élites sportives que des quidams.


En scannant le cerveau de Matthieu Ricard, on observe beaucoup mieux l’empreinte neuronale de la compassion. Mieux, on constate que l’empathie et la compassion sont deux comportements très différents.


L’empathie, c’est ressentir la douleur de son prochain. Je vais par exemple ressentir la douleur d'un ami qui se brûle. On raisonne avec la douleur d’un autre. Chez Mathieu Ricard, quand je lui demandais d’être empathique, je m’attendais à voir son réseau neuronal de la douleur réagir beaucoup plus que chez un étudiant. Mais, au contraire et à mon grand étonnement, ce sont ses réseaux d’affection positive qui étaient en alerte. C’est comme s’il pensait à quelque chose de positif ou de réconfortant.


Vous en avez tiré quelle conclusion ?


Sur le plan scientifique, il faut totalement différencier l’empathie (partage de la douleur) de la compassion (sentiment réconfortant et volonté de protection), car ce sont deux comportements différents qui font appel à des réseaux cérébraux distincts.


Prenons l'exemple d'une mère qui voit son enfant pleurer de mal. La maman ne va pas ressentir la même douleur, elle va prendre son enfant dans les bras et l'embrasser. C'est de la compassion instinctive. Il n'y a pas d'empathie dans ce cas de figure.


Il est donc essentiel de pouvoir transformer son sentiment empathique en compassion, sinon, il y a un risque de burnout ou d’effondrement psychologique.


Exemple, une infirmière qui soigne des blessés doit parvenir à développer ses sentiments compassionnels pour éviter de trop souffrir dans sa profession. Le stress empathique peut se retourner contre vous. Alors qu’il est impossible de faire une dépression quand il y a trop d’amour.


Selon l’entrainement mental choisi, on peut donc réduire son stress ?


Tout à fait, la compassion permet de réduire les risques de burnout ! Face au désespoir quotidien des migrants en Allemagne, beaucoup d’assistants sociaux ou bénévoles souffrent en ce moment de les voir ainsi. Il est essentiel pour ces personnes de faire évoluer ce sentiment sous peine de développer des traumatismes. Sinon, le risque est de se protéger naturellement en devenant cynique et froid face aux souffrances des autres. Les patients détestent être considérés comme des objets.


Est-il possible de soulager sa propre douleur par la pensée ?


Oui, c’est de l’auto-compassion ! C’est quelque chose de plus compliqué à développer parmi les Occidentaux qui ne cessent de se juger eux-mêmes et d’être autocritiques. On souffre tous un peu de notre regard sévère sur nous-même : "Je suis trop gros", "Je ne suis pas capable"… Mais, sans acceptation de soi-même, il est plus difficile d’avoir de la compassion pour autrui. On doit s’accepter tel qu’on est. Le bonheur s’apprend et commence par l’acceptation du soi.


Aux Etats-Unis, la méditation a permis d’obtenir des résultats inimaginables dans une école difficile où la compassion entre élèves a pris le pas sur la violence. Un modèle à développer ?


Notre projet ReSource a limité ses expériences sur les adultes de 22 à 55 ans. Mais il est évident que cela fonctionnera aussi – et même beaucoup mieux – sur des enfants. Ces derniers ont une capacité d’apprentissage et de développement très importante. La plasticité d’un cerveau d’enfant est incroyablement plus importante que celle d’un adulte. Nous étions d’ailleurs très heureux de constater qu’un cerveau adulte pouvait être facilement maniable. On démontre qu’un cerveau n’est pas condamné à se dégénérer chez l’adulte.


Notre prochaine étape est d’analyser l’impact sur l’intelligence sociale, l’attention et la gestion des émotions sur des enfants dans le but de pouvoir proposer des programmes adaptés aux écoles.


Votre message aux décideurs, par exemple au Forum économique de Davos, c’est de dire qu’ils ont entre les mains un outil très puissant pour développer une société plus équitable. Mais ce message est-il entendu ?


Les patrons qui viennent me voir veulent savoir si la collaboration au sein de leurs entreprises peut être plus efficace encore à l’aide d’exercices mentaux. Les économistes pensent souvent que les gens sont soit égoïstes soit altruistes, il y a donc un réel intérêt à comprendre que les comportements des salariés ou des clients peuvent changer en à peine 3 mois. Cela révolutionne les théories économiques en vigueur.


A côté de cela, les patrons souhaitent aussi renforcer leur altruisme. A Davos, les entrepreneurs fortunés tentent de trouver un sens à leur vie. Ils sont conscients que l’argent ne fait pas leur bonheur et qu’il n’y a pas que le business dans la vie.


On dit les femmes plus altruistes, l’analyse du cerveau féminin confirme cette thèse ?


Non, pas du tout ! On observe que les femmes se jugent elles-mêmes plus altruistes que les hommes dans les questionnaires, mais lorsque l’on analyse les comportements réels et réactions sous scanners, on ne voit pas de différence. On a des premiers résultats – à confirmer – qui suggèrent que l’homme est davantage altruiste que la femme. Mais on doit encore prendre le temps de prouver cette supposition.


Mind & Life organise les 9-11 septembre 2016, une conférence ‘Power & Care’ en présence du Dalaï Lama . Dans quel but ?


A travers de nombreuses disciplines (dont les neurosciences, l’économie, la spiritualité…), nous voulons comprendre comment on pourrait retrouver un équilibre entre le pouvoir et la protection des gens. Du pouvoir sans amour, c’est immoral. De l’amour sans pouvoir, c’est inutile. Il faut donc un équilibre qui relance notre économie et réduise les inégalités et la pauvreté. Notre société doit apprendre à prendre soin de l’autre et de notre environnement.


Source : Dorian de Meeûs pour LaLibre.be, le 30/04/2016 : http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/l-homme-est-capable-d-accroitre-sa-matiere-grise-572235ed35708ea2d4f9ebfc

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